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La danse macabre du cimetière des Innocents

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L'acteur

Oh toi, créature raisonnable, 
Qui désire la vie éternelle, 
Tu as ici une leçon digne d'attention 
Pour bien finir ta vie de mortel. 
Elle s'appelle la danse macabre; 
Chacun apprend à la danser. 
Elle est naturelle à l'homme comme à la femme: 
La Mort n'épargne ni petit, ni grand. 
En ce miroir chacun peut lire 
Qu'il devra un jour danser ainsi. 
Sage est celui qui s'y contemple bien! 
La Mort mène les vivants; 
Tu vois les puissants partir en premier, 
Car il n'est personne que la Mort ne vainque. 
C'est pitié que d'y penser: 
Tout est forgé d'une seule matière.

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​Les Morts musiciens

Vous, qu'une destinée commune 
Fait vivre dans des conditions si diverses, 
Vous danserez tous cette danse 
Un jour, les bons comme les méchants. 
Vos corps seront mangés par les vers. 
Hélas! Regardez-nous: 
Morts, pourris, puants, squelettiques; 
Comme nous sommes, tels vous serez.

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​La Mort 
​

Vous qui vivez: il est certain, 
Quoique cela tarde, que vous danserez. 
Mais quand, Dieu seul le sait! 
Réfléchissez à ce que vous ferez alors. 
Sire pape, vous irez le premier, 
En votre titre de plus digne seigneur; 
Vous serez honoré à cet égard. 
Honneur est dû aux grands souverains.

Le pape 

Hélas! Faut-il que je mène la danse, 
Que j'aille le premier, moi qui suis l'incarnation même de Dieu? 
J'ai eu la plus haute dignité 
En l'église, comme saint Pierre; 
Mais la Mort vient me quérir comme tous les autres. 
Je ne me soucie pas encore de mourir, 
Mais la Mort fait la guerre à tous. 
Il vaut peu, l'honneur qui passe si vite!

La Mort 

Et vous, qui n'avez pas votre pareil au monde, 
Prince et seigneur, grand empereur, 
Vous devez lâcher la ronde pomme d'or; 
Armes, sceptre, couronne, bannière, 
Je ne vous les laisserai pas; 
Vous ne pouvez plus régner. 
J'ai comme coutume de tout emporter. 
Les fils d'Adam doivent tous mourir.

L'empereur 

Je ne sais pas qui je dois appeler à mon secours 
Contre la Mort, qui m'a en son pouvoir. 
Il me faudrait une arme pour combattre le pic, la pelle 
Et le linceul; j'en ai grand besoin. 
J'ai été le plus grand seigneur au monde, 
Et il me faut mourir pour toute récompense! 
Qu'est-ce que le pouvoir des mortels? 
Même les plus grands n'en ont pas.

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​La Mort 

Vous faites l'étonné, semble-t-il, 
Cardinal; mais en avant, 
Suivons les autres! 
L'étonnement de sert de rien. 
Vous avez vécu magnifiquement 
Et dans l'honneur, à votre grand plaisir. 
Prenez gré à l'escapade; 
À vivre en grand honneur, on en oublie la fin.

Le cardinal 

J'ai bien raison de m'effrayer 
Alors que je me vois serré de si près: 
La Mort m'assaille. 
Je ne me vêtirai jamais plus ni de vert, ni de gris; 
Chapeau rouge, chape de prix, 
Je dois les laisser, à mon grand désespoir. 
Je n'avais pas appris cela: 
Toute joie finit en tristesse.

La Mort 

Venez, noble roi, tête couronnée, 
Renommé pour votre force et votre vaillance. 
Jadis vous viviez au milieu 
De grandes pompes, de la haute noblesse. 
Mais vous devez à présent abandonner vos airs de grandeur: 
Vous n'êtes pas seul. 
Votre richesse ne vous servira guère; 
Le plus riche n'a qu'un linceul. 

Le roi 

Je n'ai pas appris à danser 
Sur un air aussi effréné. 
Hélas! On peut constater et méditer 
Ce que vaut l'orgueuil, la force, le lignage; 
La Mort a coutume de tout détruire, 
Le grand comme le petit. 
Moins on s'estime, plus on est sage; 
À la fin, il nous faut redevenir cendres.

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​La Mort 

Patriarche, ce n'est pas en baissant la tête seulement 
Que vous pourrez être acquitté. 
La croix de Lorraine qui vous est si chère, 
Un autre la recevra: c'est toute justice. 
Ne pensez plus aux honneurs, 
Vous ne serez jamais pape à Rome; 
Vous êtes maintenant appelé à rendre compte (de vos actes). 
Les espoirs insensés trompent l'homme. 

Le patriarche 

Je vois bien que les honneurs mondains 
M'ont trompé: à dire vrai, 
Mes joies tournent à la douleur. 
À quoi sert d'avoir tant d'honneur? 
Trop haut monter n'est pas sage. 
Le haut rang corrompt d'innombrables personnes, 
Mais peu veulent le comprendre. 
Monter haut alourdit le fardeau. 

La Mort 

C'est mon bon droit de vous mener 
À la danse, gentil connétable. 
Les plus forts, comme Charlemagne, 
La Mort les prend, en vérité. 
À rien ne sert de faire cette mine effrayante, 
Ni (de mettre) une solide armure pour cet assaut: 
D'un coup j'abat le plus robuste. 
Les armes ne protègent pas quand la Mort assaille. 

Le connétable 

J'avais encore l'intention 
D'assaillir châteaux et forteresses, 
De les soumettre 
En acquérant honneur et richesses. 
Mais je vois toutes ces promesses 
Ruinées par la Mort, à mon grand dépit. 
Tout lui est égal, les douceurs comme les rudesses: 
Personne n'échappe à la Mort.

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​La Mort

Ne levez pas le nez, 
Archevêque; approchez-vous. 
Avez-vous peur qu'on vous vainque? 
N'en doutez-pas: vous me suivrez. 
La Mort n'est-elle pas toujours auprès 
De chaque homme, et ne marche-t-elle pas côte à côte avec lui? 
Il faut payer dettes et prêts, 
Faire nos comptes avec l'hôte. 

L'archevêque

Hélas, je ne sais où regarder 
Si grande est la détresse dans laquelle la Mort me plonge. 
Où fuirai-je pour lui échapper? 
Certes, celui qui le saurait 
Ne perdrait jamais la raison. 
Plus jamais je ne dormirai en des chambres peintes; 
Je dois mourir, c'est la loi. 
Quand il le faut, il le faut. 

La Mort

Vous qui parmi les grands barons 
Étiez renommé, chevalier, 
Oubliez trompettes et clairons 
Et suivez-moi sans tarder. 
Vous amusiez les dames 
En les faisant longuement danser. 
Il faut passer à une autre danse; 
Ce que l'un fait, l'autre le détruit. 

Le chevalier

J'ai assis ma réputation 
Par plusieurs faits d'armes, où j'ai gagné renom. 
J'étais prisé des grands et des petits 
Ainsi qu'aimé des dames. 
Je n'ai jamais été calomnié 
À la cour de grands seigneurs. 
Mai ce coup (de la Mort) m'a fait me pâmer; 
Dessous le ciel, rien n'est éternel.

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​La Mort

Bientôt vous ne posséderez plus rien 
Des biens de ce monde et de la nature, 
Évêque: c'en est fini de vous, 
Nonobstant votre prélature. 
Votre destin est incertain. 
Il vous faut rendre compte de vos sujets; 
À chacun Dieu rendra justice. 
Il n'est pas en sécurité, celui qui monte trop haut. 

L'évêque

Mon coeur ne peut se réjouir 
Des nouvelles que la Mort m'apporte. 
Dieu voudra que je rende compte de tout; 
C'est ce qui le plus me désespère. 
Le monde aussi me réconforte peu, 
Lui qui tous déshérite à la fin. 
Il retient tout; nul n'emporte jamais rien. 
Tout est éphémère, sauf le mérite. 

La Mort

Avancez, vous noble seigneur, 
Qui saviez tous les pas de danse. 
Hier vous portiez lance et écu, 
Et aujourd'hui vous finissez vos jours. 
Il n'est nulle chose qui ne prenne son cours. 
Dansez et suivez le tempo. 
Vous ne sauriez être secouru: 
Personne ne peut fuir la Mort. 

L'écuyer

Puisque la Mort me tient entre ses liens, 
Qu'au moins on me laisse dire un mot: 
Adieu plaisir, adieu volupté, 
Adieu les dames; plus jamais je ne rirai. 
Pensez à l'âme qui aspire au 
Repos, et ne vous préoccupez plus autant 
De votre corps, qui chaque jour décrépit davantage. 
Nous devons tous mourir, sans savoir quand.

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​La Mort

Abbé, venez vite. Vous fuyez? 
Ne faites pas une mine si effrayée. 
Il convient de suivre la Mort, 
Quand bien même vous l'haïssez. 
Faites vos adieux à l'abbaye 
Qui vous a nourri si gros et si gras. 
Vous pourrirez vite, irrévocablement: 
Le plus gras pourrit le premier. 

L'abbé

Je n'en ai pas envie, 
Mais je dois franchir le seuil. 
Hélas, que n'ai-je pas en ma vie 
Observé sans faiblir la règle de mon ordre! 
Gardez-vous de vouloir trop posséder, 
Vous qui vivez encore, 
Si vous voulez mourir comme il faut. 
Il est trop tard de s'en aviser au trépas. 

La Mort

Bailli, qui savez qu'est-ce que la justice, 
Ce qui convient aux grands et aux petits 
Afin de gouverner toutes sortes de gens, 
Venez maintenant à ces assises. 
Je vous y convoque immédiatement 
Pour rendre compte de vos actes 
Au grand Juge, qui jauge chacun de nous. 
Chacun portera son propre fardeau. 

Le bailli

Hé Dieu, voici une dure journée; 
Je ne me suis pas gardé de ce coup-là. 
La chance s'est bel et bien détournée de moi. 
Parmi les juges, j'étais tenu en honneur; 
Et voilà que la Mort me fait ravaler ma joie, 
Elle qui m'a convoqué sans rappel. 
Je ne vois plus d'échappatoire: 
On ne traîne pas la Mort en appel.

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​La Mort

Savant homme, ni votre étude 
Des astres, ni votre savoir 
Ne peuvent retarder la Mort. 
L'astrologie ne vaut rien en cette affaire. 
Tous les descendants 
D'Adam, qui fut le premier homme, 
Sont voués à la Mort; c'est ce que la théologie nous enseigne. 
À cause d'une pomme, il nous faut tous mourir. 

Le savant

Ni ma science, ni mon rang 
Ne sauraient m'aider; 
Car maintenant mon unique regret 
Est de mourir dans la confusion. 
En conclusion, 
Je ne sais rien de plus de ce que j'ai décrit (ci-haut). 
J'y perd toute ma raison. 
Que celui qui veut bien mourir, vive bien! 

La Mort

Bourgeois, hâtez-vous, ne tardez pas. 
Vous n'avez ni avoir, ni richesse 
Qui puisse vous garder de la Mort. 
Des biens qui vous furent octroyés avec largesse, 
Si vous en avez bien usé, vous avez agi avec sagesse. 
Ce qui vient d'autrui retourne à autrui. 
Fou est celui qui se tue à amasser; 
On ne sait pour qui on amasse. 

Le bourgeois

Il me fait mal de quitter si tôt 
Rentes, maisons, taxes et provende. 
Mais tu rabaisses le pauvre et le riche, 
Mort; telle est ta nature. 
Les créatures ne sont pas sages 
D'aimer trop les biens 
Matériels, qui appartiennent de droit au monde. 
À ceux qui ont plus, la Mort est plus dure.

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​La Mort

Sire chanoine à la prébende, 
Plus rien ne vous sera distribué; 
Plus un sou, ne l'espérez pas. 
Consolez-vous avec ceci: 
Pour toute rétribution, 
Il vous faut mourir sur l'heure. 
Vous n'aurez pas de sursis. 
La Mort vient lorsqu'on ne l'attend point. 

Le chanoine

Ceci ne me réconforte guère. 
Je fus le prébendier de maintes églises. 
Mais la Mort est plus forte que moi; 
Elle emmène tout, c'est sa manière. 
Mon surplis blanc et mon capuchon de fourrure, 
Je dois les rendre à la Mort. 
Que vaut la gloire ainsi avilie? 
Chacun doit aspirer à bien mourir. 

La Mort

Marchand, regardez par ici. 
Vous avez parcouru plusieurs pays 
À pied et à cheval; 
Vous ne le ferez plus. 
Voici votre dernier marché. 
Vous devez passer par ici. 
Vous serez libéré de tout souci. 
Tel convoite, qui possède déjà assez. 

Le marchand

J'ai été par monts et par vaux 
Pour marchander là où je le pouvais. 
J'ai été longtemps à pied et à cheval, 
Mais maintenant je perd toute joie. 
J'ai acquis des biens de toutes mes forces; 
Maintenant que j'ai assez, la Mort me soumet. 
Il est bon d'aller sur la voie de la modération: 
Qui trop embrasse, mal étreint.

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​La Mort

Allez marchand, sans plus tarder; 
Ne me résistez pas. 
Vous ne pouvez plus rien obtenir. 
Vous aussi, homme d'abstinence, 
Chartreux: supportez-le avec patience, 
Ne pensez plus vivre davantage. 
Distinguez-vous à la danse; 
La Mort vainc tout homme. 

Le chartreux

Je suis mort au monde depuis longtemps; 
Voilà pourquoi j'ai moins envie de vivre, 
Quoique tout homme craint la Mort. 
Quand ma chair sera vaincue, 
Plaise à Dieu que mon âme libérée 
Aille au ciel après mon trépas. 
Cette vie est un néant. 
Tel vit aujourd'hui, qui ne vivra pas demain. 

La Mort

Sergent qui portez cette masse, 
Il me semble que vous vous rebellez. 
Vous faites la grimace pour rien; 
Si on vous fait injustice, dites-le! 
La Mort vous appelle. 
Qui lui est rebelle, se fait des illusions; 
Les plus forts sont les plus tôt vaincus. 
Il n'est homme fort, qui le soit assez. 

Le sergent

Moi qui suis officier royal, 
Comment la Mort ose-t-elle me frapper? 
Je faisais mon office hier, 
Et aujourd'hui elle me happe! 
Je ne sais par où m'échapper; 
Je suis pris de toute part. 
Malgré moi je me laisse attraper. 
La Mort est dure à qui ne l'a pas appris.

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​La Mort 

Allez, sergent, par ici. 
Ne prenez pas la peine de vous défendre; 
Vous n'épouvanterez plus personne. 
Suivez-le, moine, sans plus attendre. 
Dites ce que vous pensez, si vous voulez être entendu: 
Bientôt la bouche vous sera close. 
L'homme n'est que vent et cendre; 
Vie d'homme n'est que bien peu de chose. 

Le moine

J'aimerais mieux être encore 
En mon cloître, et faire mon service: 
C'est un lieu saint, où il fait bon être. 
Mais, comme un fou, j'ai 
Dans le passé commis maints péchés 
Dont je n'ai pas fait pénitence. 
Que Dieu me soit miséricordieux! 
Ceux qui dansent ne sont pas tous joyeux. 

La Mort

Usurier à l'esprit malfaisant, 
Venez vite, et regardez-moi. 
Prêter à usure vous a tant aveuglé 
Que vous brûlez de gagner de l'argent. 
Mais vous en serez bien puni 
Car si Dieu dans sa gloire 
Ne prend pas pitié de vous, vous perdrez tout. 
Il est dangereux de tout jouer en un seul coup. 

L'usurier 

Dois-je donc mourir si tôt? 
Ce m'est une grande peine, un grand chagrin. 
Ils ne peuvent me secourir, 
Mon or, mon argent, mon avoir. 
Je vais mourir, la Mort approche, 
Ce qui me déplaît souverainement. 
Qu'est-ce que cette mauvaise coutume? 
Tel a de beaux yeux, qui n'y voit goutte. 

Le pauvre

L'usure est un grand péché, 
Comme chacun le dit. 
Et cet homme dont la Mort 
Approche n'en tient pas compte. 
Ce même argent qu'il compte dans ma main, 
Il me la prête encore à usure. 
Cela lui sera compté. 
N'est pas quitte, qui doit encore.

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​La Mort

Médecin, avec toute votre urine, 
Voyez-vous le moyen d'aider ici? 
Jadis vous saviez assez de médecine 
Pour pouvoir commander. 
Maintenant la Mort vous demande: 
Vous devez mourir comme les autres. 
Vous ne pouvez rien y faire. 
Il est bon médecin, celui qui peut se guérir de la mort. 

Le médecin

Il y a longtemps qu'à l'art de la physiologie 
J'ai dévoué toute mon attention. 
Je possédais de cette science la théorie et la pratique 
Pour guérir mainte maladie. 
Je ne sais plus ce que je dois faire: 
Aucune herbe ni racine n'y vaut, 
Ni aucun autre remède, quoique l'on en dise. 
Il n'y a pas de médecine contre la Mort. 

La Mort

Bel amant, courtois et galant, 
Qui vous flattiez de votre importance, 
Vous êtes pris: la Mort vous agrippe. 
Vous quitterez ce monde avec peine. 
Vous l'avez trop aimé, ce qui est folie, 
Et avez peu pensé à la Mort. 
Bientôt vous changerez de couleur; 
La beauté n'est qu'une image fardée. 

L'amant 

Hélas, n'y a-t-il donc aucun secours 
Contre la Mort? Adieu amourettes: 
Bien vite passe la jeunesse. 
Adieu chapeaux, bouquets, fleurettes; 
Adieu amants et pucelles. 
Pensez à moi souvent 
Et rappelez-vous, si vous êtes sages, 
Que la pluie abat grand vent.

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​La Mort

Avocat, sans faire un long procès, 
Venez plaider votre cause. 
Vous avez su attirer les gens 
Depuis toujours: ce n'est pas d'hier ni d'aujourd'hui. 
Aucun conseil ne peut vous aider. 
Vous devez paraître devant le grand Juge; 
Soyez-en assuré. 
Il est bon de devancer la justice. 

L'avocat

Il est naturel que justice se fasse, 
Mais je ne sais comment me défendre. 
Nul n'obtient répit ou grâce de la Mort; 
Nul ne porte sa sentence en appel. 
J'ai parfois pris le bien d'autrui, quand j'y pense; 
Voilà pourquoi je redoute d'être condamné. 
Le jour de vengeance est à craindre. 
Dieu rendra tout au juste prix. 

La Mort

Ménestrel, qui dansez et savez vos notes, 
Et qui vous y prenez si bien 
Pour réjouir sots et sottes, 
Qu'en dites-vous? Allons-nous bien? 
Puisque je vous tiens, il vous faut montrer 
Aux autres un pas de danse. 
Me contredire ne sert de rien: 
Le maître doit montrer sa science. 

Le ménestrel

Je n'avais cure de danser ainsi, 
Et je le fais certes de mauvais gré, 
Car il n'y a pas de peine plus dure que la mort. 
J'ai mis ma vielle sous le banc. 
Plus jamais je ne jouerai la saltarelle 
Ni aucune autre danse: la Mort m'en empêche 
Et je dois lui obéir. 
Un tel danse, qui n'a pas le coeur à cela.

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​La Mort


Avancez, curé, sans plus y songer; 
Je sens que vous êtes abandonné. 
Vous escroquiez les vivants et les morts, 
Mais vous serez bientôt donné aux vers. 
Jadis vous fûtes ordiné 
Pour être un miroir des autres et un exemple pour eux. 
Vous serez récompensé selon vos actes; 
À toute peine, il y a un salaire. 

Le curé

Que je le veuille ou non, il faut que je me rende; 
Il n'est pas d'homme que la Mort ne vainque. 
Hélas, l'offrande de mes paroissiens, 
Je ne la recevrai jamais plus, ni les frais d'enterrement. 
Je dois me présenter devant le Juge 
Rendre compte (de mes actes), à ma grande douleur. 
J'ai grand peur d'échouer ( ce test). 
Est bienheureux, celui que Dieu gracie. 

La Mort 
​

Laboureur, qui dans la peine et les soucis 
Avez vécu toute votre vie, 
Il vous faut mourir, c'est chose certaine. 
Reculer n'y fait rien, ni contester. 
Vous devez vous réjouir de la Mort, 
Car elle vous délivre de grands soucis. 
Approchez, je vous attends; 
Fou est celui qui croit vivre pour toujours. 

Le laboureur

Je me suis souvent souhaité la mort, 
Mais maintenant je la fuirais volontiers. 
J'aimerais mieux être par pluie ou par vent 
Dans ces vignes où j'ai longtemps pioché; 
J'y prendrais un bien plus grand plaisir, 
Car la peur me fait perdre la raison. 
N'y a-t-il personne qui sache se sortir de ce mauvais pas? 
Il n'y a point de repos en ce monde.

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​La Mort

Dégagez la route: vous avez tort, 
Laboureur. Suivez-le, cordelier. 
Vous avez souvent prêché au sujet de la Mort: 
Vous devez moins vous en étonner, 
Et encore moins vous en alarmer. 
Il n'est homme si fort que la Mort n'arrête, 
Aussi il est bon de se préparer à mourir. 
La Mort est prête en tout temps. 

Le cordelier

Qu'est-ce que vivre en ce monde? 
Nul homme n'est assuré d'y demeurer. 
Tout n'y est que vanité, 
Puis la Mort vient, qui nous assaille tous. 
Ma mendicité ne me rassure point; 
Il faut payer l'amende pour nos méfaits. 
Dieu juge rapidement: 
Sage est le pécheur qui s'amende. 

La Mort 

Petit enfant, à peine né, 
Tu auras peu de plaisir en ce monde. 
Tu seras mené à la danse 
Comme les autres, car la Mort a pouvoir 
Sur tous. Depuis le jour de la naissance, 
Chacun est voué à la Mort: 
Fou est celui qui n'en a pas conscience. 
Qui vit plus longtemps, a plus a souffrir. 

L'enfant

A, a ,a, je ne sais pas parler; 
Je suis un enfant et ma langue est muette. 
Je suis né hier et dois m'en aller aujourd'hui: 
Je n'ai fait qu'entrer et sortir. 
Je n'ai commis aucun méfait, mais je sue de peur. 
Il me faut prendre la Mort en gré, c'est le mieux: 
Rien ne change les commandements de Dieu. 
Le jeune meurt aussi vite que le vieux.

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​La Mort

Croyez-vous échapper à la Mort, 
Clerc éperdu, en reculant? 
Ne frétillez pas tant. 
Un tel croit monter haut 
Qu'on voit tomber tout à coup. 
Venez de bon gré, allons ensemble, 
Car il est vain de se rebeller. 
Dieu punit quand bon lui semble. 

Le clerc

Faut-il donc qu'un jeune clerc 
Qui prend plaisir à son service, 
Parce qu'il espère un avancement, 
Meure si tôt? C'est désespérant. 
Je ne suis plus libre de choisir 
Un autre rang; il faut que je danse ainsi. 
La Mort m'a pris, selon sa volonté. 
De ce qu'un fou s'imagine, peu se réalise. 

La Mort

Clerc, il ne faut pas refuser 
De danser: montrez ce que vous savez faire! 
Vous n'êtes pas seul; levez-vous, 
Cela vous sera plus facile. 
Venez avec moi, selon ma volonté, 
Homme de l'ermitage; 
N'en ayez pas de peine. 
La vie est un héritage incertain. 

L'ermite

Malgré une vie dure et solitaire,
La Mort n'accorde pas de délai.
Chacun le voit et doit se taire.
Je prie Dieu pour qu'il me fasse un don:
Qu'il efface tout mes péchés.
Je suis heureux de tous les bienfaits
Dont j'ai profité par sa grâce.
Qui n'est heureux de ce qu'il a, n'a rien.

La Mort

C'est bien dit: ainsi doit-on dire. 
Personne n'est délivré de la Mort. 
Qui mal vit, finira encore plus mal; 
Aussi, que chacun pense à vivre comme il le faut. 
Dieu pèsera tout à la livre. 
Il est bon d'y penser soir et matin: 
Le plus grand savoir n'en délivre pas (de la Mort). 
Personne ne connaît demain.

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​Le roi mort

Vous qui dans ces images
Voyez danser gens de rangs divers,
Songez à ce qu'est la nature humaine:
Ce n'est rien que viande à vers.
J'en suis la preuve: moi qui gis,
J'ai été jadis une tête couronnée.
Ainsi serez-vous, les bons comme les mauvais,
Gens de tous rangs: vous serez donnés aux vers.

L'acteur

L'homme n'est rien, à qui y réfléchit bien:
C'est du vent, une chose transitoire.
Chacun le voit dans cette danse.
C'est pourquoi, vous qui voyez cette histoire,
Vous devez en garder mémoire.
Car elle exhorte hommes et femmes
À rechercher la gloire du paradis.
Heureux est celui qui, au ciel, fait la fête!
Mais d'aucuns ne se soucient guère
D'apprendre comment est le paradis
Ou l'enfer, hélas: ils auront chaud!
Les livres qu'écrivirent jadis
Les saints le montrent en de beaux mots.
Apprenez-le bien, vous qui passez,
Et faites le bien: je n'en dis plus davantage.
De bonnes actions font beaucoup pour les trépassés.
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